Un peu en retrait mais tout sourire, Houssem Aouar revient du déjeuner dans son survêtement de l’équipe de France Espoirs passé pour la toute première fois ce lundi midi. Titulaire depuis plusieurs semaines à l’OL, le jeune joueur de 19 ans est un introverti qui se fait une place chez ceux qui font de bruit. Non sans une certaine aisance, l’œil parfois malicieux et en toute sincérité, il raconte comment il a pris de la hauteur après des moments pas toujours évidents.
Quel est votre sentiment au lendemain de votre premier derby chez les professionnels ?
Houssem Aouar : De la fierté. On est fiers d’avoir pu gagner ce derby haut la main et surtout d’être entrés dans l’Histoire. On est heureux d’avoir pu représenter notre club de la plus belle des manières.
Match arrêté, fumigènes, envahissement de terrain. Vous avez eu un vrai baptême du feu…
C’est vrai ! Mais on sait qu’il y a une ambiance assez bouillante dans les derbys. C’est ce qui fait leur charme même si des choses ne doivent pas se faire en football. Il faut savoir garder ses nerfs et le résultat montre que notre équipe a su le faire.
L’OL a enchaîné avec une sixième victoire consécutive, la quatrième en Ligue 1. Ça y est, vous êtes lancés ?
On a eu des moments difficiles mais on savait que dans le contenu c’était plutôt bien. On avait vu le potentiel que l’équipe pouvait avoir. Aujourd’hui on gagne mais on sait que tout va très vite alors on va redoubler d’efforts pour pouvoir atteindre nos objectifs. Si tout le monde fait le job comme il se doit, on sera capables de faire de grandes choses.
Hier, les 4 de devant (Fekir, Mariano, Memphis et Traoré) ont marqué et livré une grosse prestation. Est-ce que, derrière le PSG, l’OL a le plus gros potentiel offensif du championnat ?
L’OL fait partie des plus grands potentiels offensifs. Le futur nous dira où on se situe vraiment mais ce qui est sûr c’est que le quatuor offensif s’est bien adapté. Ils font le boulot, ils marquent des buts. Les statistiques prouvent qu’ils sont de grands joueurs. Sans se cacher, on a bien vu en début de saison qu’il fallait un temps d’adaptation mais c’est tout à fait normal. On savait aussi qu’avec le temps les automatismes viendraient naturellement.
Prochain match:
Vous êtes sur une série de 4 "clean sheet", 15 buts marqués en 4 matches, 0 encaissé. Est-ce que ce n’est pas aussi parce que l’OL a réglé ses problèmes défensifs que l’équipe est plus performante ?
On a un bloc plus compact. On a toujours marqué des buts mais on en prenait beaucoup et on savait très bien qu’on ne pourrait pas gagner tous les matches en marquant 3 ou 4 buts. Il nous fallait de la stabilité et je ne parle pas que des 4 de derrière. Aujourd’hui tout le monde se sacrifie pour l’équipe et les attaquants sont récompensés individuellement.
Vous jouez un rôle essentiel dans l’équilibre de l’équipe au sein du milieu à 2. Comment appréhendez-vous ce poste qui n’est pas forcément le votre ?
Je m’y plais. Bon, c’est sûr que si l’équipe fait de bons résultats, forcément ça me plait. Je joue à côté de grands joueurs donc ma tâche est facilitée. Je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup jouer 6 chez les jeunes mais je m’adapte à la situation. Je discute beaucoup avec le coach sur ce qu’il y a à travailler. J’essaye de l’appliquer au maximum.
Avez-vous eu à forcer votre jeu pour devenir aussi un récupérateur et comment avez-vous travaillé sur cet aspect ?
Non je n’ai pas l’impression de forcer mon jeu naturel mais mon jeu sans ballon, oui. C’est vrai que pour arriver à ce niveau il a fallu que je durcisse mon jeu, que je sois plus costaud sur mes cannes. Je ne pense pas que ça se joue sur l’aspect physique mais plutôt mental. C’est le joueur qui en a le plus envie qui récupèrera le ballon. J’ai bossé sur cet aspect-là des choses pour pouvoir ancrer cette mentalité en moi. Je pense avoir progressé, il faut que je travaille encore là dessus tout en faisant jouer l’équipe. Il faut toujours élargir sa palette au maximum.
Vous n’aviez pratiquement pas joué l’année dernière et vous avez été en dehors du groupe en début de saison. Comment avez-vous vécu cette période ?
Ce n’était pas évident mais le coach m’a beaucoup parlé et il m’a toujours dit qu’il avait confiance en moi. J’ai redoublé d’efforts, il a fallu que je bosse avant et après les entraînements pour pouvoir jouer. Quand on est jeune, on sait qu’il faut être deux voire trois fois meilleur que ceux qui sont déjà en place. Il faut être costaud mentalement et ne rien lâcher. Aujourd’hui ce n’est que le début.
Certaines critiques ont souvent été adressées à Bruno Génésio de la part des supporters. Vos premières titularisations sont une réussite pour lui. Quel rôle a-t-il joué dans votre évolution ?
Un rôle très important. C’est mon premier coach chez les professionnels. Il est très proche des joueurs, il discute beaucoup avec ceux qui jouent ou ceux qui jouent un peu moins sans faire de différence. Lorsque c’est un peu difficile il n’hésite pas à venir, à demander ce qui ne va pas. C’est sa capacité à dialoguer de manière encourageante et toujours très réfléchie qui est extrêmement importante. Il y a le côté humain, il est très bon dans sa relation aux joueurs et puis il y a le côté technicien qui ressort aussi. Il m’a toujours dit ce qui n’allait pas et le résultat est là. Il met des choses en place et l’équipe joue bien.
Alexandre Lacazette vous a aussi beaucoup aidé à garder la tête froide pendant la période où vous ne jouiez pas…
Il m’a beaucoup écrit. Il m’a expliqué que tous les grands joueurs sont passés par des moments difficiles dans leurs carrières. Dès que j’ai intégré le groupe professionnel, Alex m’a pris sous son aile. On n’a pas coupé le contact après son départ et il a été là dans les moments un peu plus difficiles pour me remonter le moral et me motiver pour la suite.
Aujourd’hui on voit la complicité qui vous lie à Nabil Fekir sur le terrain. Le capitaine vous a, à son tour, pris sous son aile ? `
Nabil sort du centre donc il sait ce que je vis. Il est proche des jeunes, il est capitaine, son côté leader ressort et ça englobe tout ça. Il a plus de facilités avec les jeunes puisque lui-même l’est encore. Je ne sais pas si c’est spécial avec moi, on a des affinités et parfois ça ne s’explique pas. On a peut-être les mêmes délires, on se comprend sur le terrain et en dehors.
Avez-vous conscience d’être en train de devenir la nouvelle coqueluche des supporters de l’OL ?
Je sais que les supporters de Lyon sont très attachés au centre de formation du club. Dès qu’un joueur pointe le bout de son nez ils en sont proches. Je les remercie, je sais qu’ils sont beaucoup avec moi. J’ai besoin de ça, dans les moments difficiles leurs messages m’ont beaucoup touché. Merci à eux, je vais essayer de faire de belles choses pour eux.
Lacazette et Fekir sont formés à Lyon, ils ont débuté jeunes avant de devenir des joueurs cadres puis historiques. Est-ce le destin que vous imaginez pour vous ?
Je ne peux pas le savoir. C’est encore loin, je sais juste qu’il faut bosser pour en arriver là et imiter les illustres aînés. Ce sont de grands joueurs, j’essaye de faire comme eux. Ils ont marqué l’histoire du club et Lyon c’est mon club, c’est ma ville, donc je voudrais le faire aussi.
Ils sont aussi des internationaux français et vous retrouvez Clairefontaine. Quel est votre sentiment ?
Encore de la fierté. Je pense avoir bien bossé donc le sélectionneur a décidé de me récompenser. Je le remercie de sa confiance. Ça faisait très longtemps que je n’étais pas venu ici donc je vais essayer de me réadapter à l’environnement, connaître les joueurs.
Pourquoi n’étiez-vous pas revenu depuis votre sélection en U17 selon vous ?
Je ne sais pas. Un sélectionneur fait des choix et comme on ne peut pas se pointer alors qu’on n’est pas sélectionné (rires)… Et bien je les ai respectés. Toutes mes déceptions m’ont poussé à en faire plus et cette sélection me pousse à continuer pour pouvoir revenir.
Quand on voit l’explosion très rapide qui a conduit Mbappé ou Dembélé chez les A, ne rêvez-vous pas obligatoirement de les imiter en année de Coupe du monde ?
Bien sûr en tant que joueur on en rêve. Mais je n’oublie pas d’où je viens. Je n’oublie pas que je n’étais même pas sélectionné chez les jeunes il y a quelques mois. Il ne faut pas brûler les étapes, j’espère m’imposer ici en Espoirs avant tout.
Propos recueillis par Julien Quelen, à Clairefontaine.