Samuel Gigot Spartak MoscowGetty

ENTRETIEN - Samuel Gigot : "Les valeurs du Spartak me correspondent parfaitement"

En 2019/2020, de nombreux joueurs français se sont illustrés à l’étranger et Samuel Gigot en fait partie. Cet ancien joueur d’Arles-Avignon, qui n’a jamais évolué en Ligue 1, brille sous le maillot du Spartak Moscou, de la même façon qu’il l’a fait au sein de son précédent club de La Gantoise. Alors qu’il revenait d’une grave blessure l’été dernier, ce solide arrière central a su tirer son épingle du jeu et convaincre dans un championnat où très peu de Français se sont distingués par le passé. Tandis que la RPL est aujourd’hui à l’arrêt, comme toutes les autres ligues du continent, le natif d’Avignon a choisi Goal France pour faire le bilan de son expérience russe, raconter ses exploits avec les « Krasno-Belyé » et aussi évoquer les ambitions, individuelles ou collectives, pour la suite de son parcours.

« On est des compétiteurs, et s’il y a possibilité de jouer on aimerait finir »

Le football est à l’arrêt, y a le confinement. Comment vivez-vous cette période qui est assez particulière ?

Samuel Gigot : Ça va très bien, je suis rentré en France. Notre club nous a libérés il y a trois semaines. C’est l’occasion d’être en famille. Profitez de ses proches. Et on essaye de s’occuper comme on peut. Mais en cette période difficile on pense surtout aux personnes qui sont dans les hôpitaux, qui luttent pour survivre. On pense très fort à eux. Nous on essaye donc de nous occuper, mais il y a plus grave. Il faut positiver.

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Quelle est la tendance en ce moment par rapport à la reprise du championnat, avez-vous reçu des consignes, des échéances ont-elles été fixées ?

Là, on vient de recevoir quelques messages et ils ne savent pas trop si ça va reprendre. Ça va dépendre de ce que décidera le gouvernement russe. On devait reprendre l’entrainement le 4, mais pour l’instant c’est reporté. On parle désormais du 15 mai éventuellement. Il n’y a rien de certain encore.

Et par rapport au travail physique à domicile et l’entrainement, êtes-vous en contact permanent avec les préparateurs, le coach et le staff médical, etc…

Oui, on a des entrainements trois fois par semaine via des visioconférences avec les préparateurs physiques. On travaille pour continuer à garder la forme. On a aussi des séances du style de la course et du cardio à faire également les jours où on n’a pas de visioconférence.

Par rapport à la suite, avez-vous une préférence ? Voulez-vous reprendre, ou est-ce que vous êtes plus circonspect par rapport à l’idée de rejouer tant que ce virus existe ?

C’est sûr que c’est délicat, parce qu’on ne sait pas encore grand-chose par rapport à ce virus et comment ça va évoluer. Après, s’il y a possibilité de jouer, bien sûr qu’on est des compétiteurs et on aimerait finir le championnat. Mais ça sera certainement à huis clos. Et pour nous, sportifs, ça va être compliqué de jouer sans supporters. Mais bon, tant qu’on peut jouer au foot, être sur un terrain et faire ce qu’on aime…Il va bien falloir reprendre la vie à un moment donné. Si tous les gens vont reprendre leur travail après le déconfinement, nous, les footballeurs, pouvons également le faire.

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« Je suis très content de mon séjour en Russie »

Parlons du sportif, vous jouez au Spartak depuis un peu plus d’un an et demi, quel bilan tirez-vous de cette expérience en Russie ?

Ça a été un bilan dans l’ensemble positif parce que je découvre une nouvelle culture, un nouveau pays et un grand club. J’ai été très bien accueilli. C’est sûr qu’il y a toujours des hauts et des bas, mais jusqu’à présent je suis très content. En plus, la Russie c’est un très beau pays et Moscou, où j’ai la chance d’habiter, est une magnifique ville.

Vous avez connu une grave blessure la saison dernière (rupture des ligaments croisés du genou), cela vous a un peu coupé dans votre élan, n’est-ce pas ?

Oui, c’est vrai que ça a été compliqué. C’était seulement deux mois après mon arrivée. Ça a été un long moment loin des terrains (ndlr, huit mois). Après, je veux revenir et je me fais encore mal au genou. Cette première année au Spartak a donc été un peu tronquée. Mais bon, ça fait partie de la vie d’un sportif. Il faut essayer un peu d’avancer. Cette année aussi, ça a été un peu compliqué parce que quand je suis revenu il y a aussi beaucoup de choses qui ont changé. Les entraineurs, les directeurs sportifs…Il faut s’adapter à chaque fois. Mais c’est bien, c’est une bonne expérience aussi.

Le côté positif, c’est qu’on vous a senti très frais, très en jambes à votre retour. Vous enchainez les matches et vous êtes un titulaire indiscutable au sein de l’équipe…

Oui c’est vrai, mais collectivement on ne fait pas une bonne saison. Donc on ne peut pas être totalement satisfait. Le plus important reste le collectif. J’ai eu des bons moments oui, comme des moins bons aussi. Et ce qui importe également c’est de laisser les blessures derrière soi. D’essayer d’enchainer les matches. Ça fait toujours du bien. Ça donne une certaine confiance ensuite. Maintenant, il faut essayer, dans le cas où on rejoue, de continuer et de bien finir le championnat.

« Le doublé contre le CSKA, l’un des moments les plus marquants de ma carrière »

Il y a eu ce doublé de votre part lors du derby moscovite contre le CSKA (2-1, en aout 2019) juste après votre retour suite à une longue indisponibilité. C’était certainement un moment très particulier et émouvant...

Oui, c’est certain. Même moi, dans mes rêves les plus fous, je ne pense pas que je l’aurais imaginé. Comme quoi, il ne faut pas lâcher dans la vie. Après ma blessure, j’avais déjà vécu un derby où ça c’était très mal passé pour moi. C’était mon premier match après mon énorme blessure. Et avoir pu après « inscrire mon nom » dans ce derby c’était…une soirée folle. En plus, il y avait tous mes collègues qui étaient venus pour ce match. C’était assez fou. C’est clair que ça a été un moment marquant de ma carrière oui…

Cette attirance pour les buts et l’efficacité aux avant-postes, c’est un peu nouveau pour vous. Avez-vous travaillé particulièrement ce domaine ? Ou est-ce que ce sont juste les évènements qui ont été favorables, voire des consignes du coach ?

Non, je pense qu’il y a la qualité des tireurs aussi, qu’il faut aussi souligner. Ça dépend de beaucoup de choses aussi, comme d’être là au bon moment et au bon endroit. Il y a des périodes où des choses vous réussissent, et d’autres un peu moins. Après, j’ai toujours aimé les attaquants, les gestes devant les buts. J’aime bien m’amuser, prendre du plaisir et marquer des buts. Même si je suis défenseur et j’aime tout aussi bien défendre. Pour les consignes non, il n’y en a pas eu de particulières. Ça m’a réussi à ce moment-là et tant mieux. Il faut essayer de surfer sur cette bonne vague-là et continuer à travailler.

« Même dans les moments difficiles, les supporters sont toujours derrière nous »

Il n’y a pas beaucoup de français qui ont brillé dans ce championnat, à l’exception peut-être de Mathieu Valbuena. Mais, vous, on vous sent très bien adapté à ce championnat. Il y a un secret à cela, outre le fait que vous vous plaisez dans ce pays ?

J’ai eu la chance aussi de tomber dans un très bon club. Avec je pense des valeurs qui me correspondent à peu près. On le voit, quand on va dans un stade très chaud, ils aiment que les joueurs mouillent le maillot. Je ne pense pas avoir énormément de qualités, mais j’essaye toujours de donner le maximum. Et comme je l’ai dit, ça va bien avec ce qui caractérise le Spartak. C’est une adaptation réussie, mais elle a été faite petit à petit aussi. Les blessures ont retardé les choses et j’avais aussi envie de prouver. Mais dans le foot, on le sait, il faut continuer à prouver à chaque match. Ça va tellement vite en haut comme en bas qu’il faut toujours rester vigilant et ne pas se reposer sur ses lauriers.

On dit souvent qu’un joueur qui évolue à l’étranger qu’il doit s’imprégner de l’histoire du club. Et le Spartak en Russie, ce n’est pas n’importe que club, même si ces dernières années, il n’y a pas eu beaucoup de titres glanés. Est-ce que vous ressentez cela au quotidien ? Dans le contact avec les supporters, notamment ?

Parfaitement. On le voit à chaque déplacement, avec nos supporters qui sont toujours très nombreux. On a l’impression de jouer la plupart des matches à domicile alors que nous sommes à l’extérieur. C’est fou. Et on a des fans qui sont très agréables. Ils sont toujours là à pousser derrière nous, alors qu’on a souvent eu dernièrement des moments difficiles. Ils ont toujours été là. Et ça nous donne envie à nous, les joueurs, de leur rendre sur le terrain. L’après Ligue des Champions a été compliqué à gérer pour le club. Là, ils partent sur un nouveau challenge. Ils veulent repartir avec plus de jeunes et essayer de construire quelque chose sur le moyen terme. Pour un club comme le Spartak, l’avenir ne peut qu’être radieux.

Quand Samuel Gigot est sur le terrain, le Spartak fait le plein de points à 55%. Parmi les joueurs qui comptent plus de 10 matches, personne ne fait mieux dans cette équipe

Le Spartak totalise plus de points et concède moins de buts en moyenne lorsque vous êtes sur le terrain depuis que vous êtes revenu. Est-ce que cette stat signifie pour quelque chose pour vous ? Et de manière générale, accordez-vous de l’importance aux chiffres ?

Non, je ne prête pas attention à cela. Moi, je suis défenseur et la seule chose que je veux quand on rentre sur un terrain c’est de ne pas prendre de buts. Pour nous, c’est le plus important ; ne pas concéder de buts. Mais, c’est un sport collectif. On n’est pas tous seuls. C’est toute l’équipe qui défend et ça part des attaquants. Après, tant mieux si les statistiques sont en ma faveur, mais ce n’est pas quelque chose que je regarde.

« Je suis venu au Spartak pour jouer l’Europe »

Depuis que vous êtes arrivé au Spartak, vous avez connu cinq coaches différents (Carrera, Raùl Riancho, Kononov, Kuznetsov et Tedesco). N’est-ce pas un peu difficile à vivre, cette instabilité ?

C’est clair qu’il y a eu beaucoup de changements. C’était un peu compliqué. Après, moi, j’ai aussi eu mes blessures, ce qui fait que je n’étais pas trop là à certains moments clés. Mais on sait comment c’est dans une carrière sportive, la première personne qui part c’est souvent le coach, plutôt que l’équipe entière. Il faut l’accepter. Et quand on en arrive là, c’est aussi à nous les joueurs de prendre nos responsabilités. Et de se dire que si le coach personne son travail c’est aussi notre faute. Là, avec le nouveau coach ça a l’air d’avoir bien pris. On espère continuer sur cette lancée et donner le maximum pour relever le Spartak à la place où il doit être.

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Le courant passe bien justement avec le dernier coach, l’Allemand Domenico Tedesco ? On a vu que c’était un coach assez énergique.

C’est un coach très intelligent. Il apprend le russe d’ailleurs, et parle de nombreuses langues. Il essaye même de parler le français. C’est bien. Et oui, c’est un coach avec beaucoup d’énergie. Il est assez jeune (34 ans). Et il se distingue par son rapport humain, qui est très important dans le football d’aujourd’hui. Ça donne de l’espoir pour la suite.

Avant l’interruption du championnat, vous étiez en milieu de tableau (8e à 10 points des places européennes). N’est-ce pas un peu frustrant de ne pas se mêler à la lutte du haut de tableau, surtout que vous étiez sur deux qualifications européennes de suite ?

Oui, c’est certain. Moi, je suis venu au Spartak pour jouer l’Europe. C’était vraiment mon souhait. De jouer la Ligue des Champions, ou même la Ligue Europa. Pour un professionnel jouer la C1, c’est le summum. C’est vrai que c’est très frustrant, surtout que lors de ma première année je n’ai pas trop pu jouer ces matches européens à cause de ma blessure. Là, on est dans une situation assez délicate. En championnat, on est très loin et ça va être compliqué. Mais, il nous reste la Coupe (ndlr, Spartak est qualifié pour les demies où il affrontera le Zenit) et c’est l’objectif principal. Il faut essayer d’aller au bout, même si ça ne sera pas facile. C’est la seule option pour essayer de se qualifier directement pour l’Europe.

« Une expérience en Ligue 1 ? Oui, j’aimerais bien »

Aujourd’hui, vous avez 26 ans, vous vous plaisez au Spartak, mais y-a-t-il cette ambition chez vous d’aller voir encore plus haut ? De découvrir un championnat majeur européen, par exemple ?

Moi je suis vraiment quelqu’un qui vit au jour le jour. J’ai toujours été comme ça, car ça va tellement vite dans le football, d’un côté comme de l’autre. Mais c’est sûr que si j’ai une opportunité, j’y réfléchirai, c’est certain. Surtout, je pense que quand vous êtes européen vous rêvez de jouer dans l’un des meilleurs championnats du continent. Mais bon, j’essaye déjà de donner le maximum sur le terrain pour être le meilleur possible.

Vous êtes Français, mais vous n’avez encore jamais évolué en Ligue 1. N’y a-t-il pas cette petite envie de découvrir l’élite de votre pays ?

Si, moi j’aimerais bien. Si j’ai la possibilité de connaitre la Ligue 1, oui pourquoi pas. C’est normal quand vous êtes Français. J’ai toujours bougé à l’étranger, donc si j’ai la chance un jour, je n’y serai pas opposé.

Et l’Equipe de France pour vous, qu’est-ce que ça représente ? Un rêve ? Un objectif ? Vous vous y pensez proche, loin ? Ou vous n’y pensez pas du tout ?

Sincèrement, je n’y pense pas du tout. L’Equipe de France c’est le summum pour un joueur. Il faut être réaliste aussi ; il y a des joueurs qui sont en place et qui jouent dans les meilleurs clubs européens. Quand vous n’êtes pas dans ces clubs-là, vous ne pouvez pas postuler à la sélection. Il y a une hiérarchie en place et il faut prouver sur le terrain qu’on mérite d’y être. Les meilleurs y seront, c’est la logique. Il faut simplement travailler et essayer d’atteindre les meilleurs clubs, comme eux le font. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on peut postuler.

Il y a deux ans, des rumeurs ont circulé selon lesquelles il y aurait une possibilité pour vous de jouer pour l’Algérie. Avez-vous des origines algériennes ? Y-a-t-il réellement une chance d’intégrer cette sélection ?

Non, c’était des rumeurs infondées. Il n’y avait aucune chance de jouer pour l’Algérie. S’il y en avait eues, j’y serai allé de bon cœur. Ça a toujours été un pays que j’aimais et j’aime beaucoup. J’ai beaucoup d’amis algériens. Mais si je n’ai pas de lien avec, ce n’est pas possible. Après, ils ont fait un magnifique parcours à la CAN et je leur souhaite tout le meilleur.

Propos recueillis par Naïm Beneddra

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