Voir Antoine Griezmann et Alexandre Lacazette se gondoler sur les terrains d’entraînement de Clairefontainte peut renvoyer Wissam Ben Yedder à la genèse de sa carrière. Il a 27 ans, aujourd’hui, et il a longtemps accompagné les deux complices. Son parcours a quelque chose d’un itinéraire bis. Élevé au futsal, révélé à Toulouse, exilé à Séville, cet attaquant technique n’a jamais rien fait comme les autres. Jusqu’où peut-il aller ?
Une régularité qui donne du cachet à un CV
Parce qu’il a dégagé le terrain à sa façon, Wissam Ben Yedder aura un œil très attentif à la liste communiquée par Didier Deschamps ce jeudi. L’attaquant de Séville a envoyé des signaux ces dernières semaines. Sa pré-convocation en équipe de France n’annonce rien, mais elle a du sens. Auteur d’une première saison encourageante dans un pays où les monstres offensifs prennent toute la lumière, l’ancien Toulousain est reparti sur les mêmes bases. Sans même truster les premières places du classement des buteurs, il réussit son début de campagne.
VU D'ESPAGNE | |
"Il est évidemment considéré comme un bon attaquant mais pour le moment certains fans regrettent d’anciens avant-centres du club comme Bacca ou Gameiro. Pour changer cette situation, Ben Yedder doit marquer dans des matches importants. Les médias le critiquent aussi parce qu’il épaule ses coéquipiers en dehors de la surface, mais qu’il n’est pas toujours en bonne position pour conclure. Malgré tout, l'opinion publique à Séville considère qu'il mérite une chance en équipe de France, surtout parce que Gameiro ne joue pas bien et que Giroud ne semble pas un buteur fiable. Et les fans de Séville détestent Deschamps parce qu'il n'a appelé Gameiro que lorsqu’il a signé à l’Atlético…".
Francisco Rico Lozano (Correspondant FC Séville de Goal) |
La perspective d'une Coupe du monde enclenche toujours une sorte de compte à rebours, mais Ben Yedder, lui, reste sur sa même ligne. Le garçon n'est pas du genre à réclamer. Plutôt à clamer ses ambitions. Didier Deschamps n’a l’a pas encore convoqué ? "Ca veut dire que je dois travailler encore plus", analysait-t-il dans un entretien plein de sincérité au Canal Football Club. "Ce n'est que le début de saison. Ce n'est pas une déception, plutôt un encouragement. Il faut travailler, pour y arriver. L'Equipe de France est un rêve, et un objectif". Au passage, ce cri repousse la Tunisie alors que son pays d’origine lui fait une cour assidue.
Rentrons un peu dans le détail. Peut-être faut-il resituer les choses pour juger la carrière de Wissam Ben Yedder à sa juste valeur et imaginer la suite. À Toulouse, le natif de Sarcelles n’a jamais bénéficié d’un contexte collectif idéal pour faire ce qu’il faisait – c'est à dire empiler une quinzaine de buts minimum (toutes compétitions confondues) chaque année. Et avec 18 pions pour sa première saison à Séville, il s’est déjà placé dans la catégorie des "attaquants à suivre". C'est une belle régularité. Elle donne du cachet à un CV.
Le débat n'est pas tranché
Lundi, le directeur sportif du club andalou, Oscar Arias, a fait une sortie qui en dit long sur le débat du moment. "Ben Yedder est un joueur sous-coté", a-t-il lâché sur Radio Marca. "Il a marqué 18 buts l'année dernière et cette saison, il en a déjà marqué 8. Je ne sais pas pourquoi on doute de lui avec ces chiffres". Car l'Espagne s'interroge aussi sur l'attaquant. Sa propension à briller dans les grandes occasions est encore un point noir. Comme son profil, très mobile, qui détonne dans un club où les derniers finisseurs (Bacca, Gameiro) étaient des joueurs de bout de chaîne.
Reste que l’image du Français ne se limite pas non plus à ces petites imperfections. Son goût pour le contre-pied, son éventail de feintes et sa capacité à générer de l’espace dans une zone où les joueurs ne respirent pas sont de vrais atouts. Ils lui ont valu quelques flatteuses comparaisons, comme celle renvoyant à Romario. Ça pose un joueur. L’arrivée à Séville du Colombien Muriel - recrue la plus chère de l'histoire du club - ne l’a d’ailleurs pas délogé. Certains aficionados l’appellent même miarma, expression affectueuse utilisée à Séville pour interpeller quelqu’un dans une conversation informelle. Bref, Ben Yedder a ses défenseurs et quelques détracteurs. Le débat n’est pas tranché. Didier Deschamps scrutera tout jusqu’au printemps.
Car au-delà de son profil, de son image et de la résonnance de son club, Wissam Ben Yedder sera aussi et surtout évalué par rapport à la concurrence. Une ouverture de la liste du Mondial à sept attaquants serait un premier plus. Le reste sera dicté par les dynamiques des uns et des autres. Ce qui est sûr, c’est qu’en dehors d’Antoine Griezmann, Kylian Mbappé et certainement Olivier Giroud, les prétendants dans ce secteur n’ont aucune assurance. Le bilan de l'ex-Toulousain n’a rien à envier à celui de Kevin Gameiro, par exemple. Parce que son prédecesseur a eu sa chance, l'heure de Ben Yedder est peut-être venue. Ce serait un joli clin d'oeil. Pour lui, déjà. Et pour tous les amoureux de Séville.